Une folle aventure de Raiponce, la princesse la plus malchanceuse de l’époque contemporaine 2/2

Il regarda sa camarade s’extasier devant les panneaux publicitaires qui clignotaient, inondant son visage de couleurs plus lumineuses les unes que les autres. Elle était jolie, très jolie même. Elle ne passait pas inaperçue dans la rue. Les garçons se retournaient sur son passage, les filles la dévisageaient avec envie…

Il se surprit à s’attarder sur ses yeux. Ils étaient d’un bleu tellement profond… Raiponce, sentant le poids de son regard, tourna la tête dans sa direction. Alejandro rougit fortement avant de se détourner. Cette visite prenait une tournure trop étrange ! Soudain, il eut une idée. Il jeta un coup d’œil à sa montre. L’après-midi venait de commencer. « Je connais un endroit que tu apprécieras sûrement beaucoup ! » dit-il à Raiponce, qui sauta de joie.

Ils entrèrent dans un grand immeuble. De la musique filtrait à travers les nombreuses fenêtres et les murs tremblaient légèrement au son des basses. À l’intérieur, des personnes dansaient, buvaient, fumaient.

013

Raiponce écarquilla les yeux : mais quelle était cette ambiance ? Elle écouta attentivement cette musique électronique totalement nouvelle pour elle et se mit à taper du pied en rythme. Alejandro la prit par les mains et l’entraina sur la piste de danse.

Ils restèrent un long moment dans la foule puis finirent par s’installer au bar. Alejandro commanda une boisson peu alcoolisée pour Raiponce qui n’avait vraisemblablement jamais pris d’alcool de sa vie. Malgré ces précautions, à la première gorgée, elle fut prise de vertige. Pendant qu’Alejandro parlait avec le barman, elle finit son verre d’un trait. Elle essaya de se lever mais tituba et failli tomber. Un inconnu la rattrapa in extremis. Voyant à quelle beauté il avait à faire, il lui proposa gentiment une cigarette. Raiponce, curieuse, l’accepta. Alejandro, se rendant compte que sa camarade n’était plus à ses côtés, la retrouva juste quand elle mettait la cigarette dans sa bouche. Enfin, quand elle essayait de la mâcher. Alejandro amena Raiponce dehors en fusillant du regard l’inconnu mort de rire (il avait tout de même assisté à une scène peu ordinaire).

Le jeune homme était bien embêté. Il soutenait une jeune fille ivre, très jolie, alors qu’il était dans sa tenue de travail. L’étrange couple se faisait remarquer plus que nécessaire. Il réfléchit. Il lui restait bien trois heures avant de ramener Raiponce chez elle, mais avec la jeune fille dans cet état, il ne pourrait physiquement pas remplir cette tâche. Gravir un nombre effroyable d’étage avec un poids mort ne le tentait pas plus que cela. Il ne pouvait pas non plus la laisser comme si de rien n’était dans une ville, un monde dont elle ne connaissait rien. Oui, il avait envisagé de l’abandonner lâchement. Mais il n’avait rien demandé, lui.

Alejandro mit du temps à trouver une solution évidente. Il lui suffisait d’amener Raiponce chez lui. Elle serait dans un endroit à la fois sécurisé et reposant pour se remettre de… on ne peut pas appeler cela une cuite lorsqu’il ne s’agit que d’un verre de la boisson la moins alcoolisée au monde.

Le jeune homme appela un taxi. Raiponce ne s’endormit durant le trajet. Alejandro, tendu, essaya de ne pas trop bouger lorsque la tête de la jeune fille se posa sur son épaule. Il resta immobile quand elle s’appuya de tout son poids sur lui. Il fut tout de même soulagé que le chauffeur s’arrête et lui demande l’addition. Raiponce remuait beaucoup trop dans son sommeil et avait petit à petit pris de plus en plus d’espace sur la banquette arrière du taxi pourtant assez grande pour accueillir trois à quatre personnes…

Raiponce ouvrit les yeux. Et se releva à une vitesse frôlant l’inhumanité. Elle était entourée de… non, elle se trouvait dans…

_Hey ! Enfin réveillée ?

014

Tournant la tête en direction de la voix, elle reconnut Alejandro. Il portait toujours les mêmes vêtements, mais il avait enfin l’air d’être à sa place. Elle sut pourquoi. Un carrelage doré s’étendait sous le canapé de marque bleu roi qu’occupait la jeune fille. Il scintillait tellement qu’il faisait mal aux yeux. Le tissu du lit – parce qu’un canapé de cette taille, ça s’appelle un lit ! – moelleux à souhait, donnait l’impression que l’on pouvait se perdre à tout jamais dans la douceur de son toucher. Alejandro, avec son sourire éclatant, sa beauté indéniable et sa posture droite et distinguée, irradiait la… richesse. Mais quelque chose clochait. Raiponce allait mettre le doigt dessus lorsque le monde vacilla. Elle eut juste le temps de voir Alejandro se précipiter vers elle, l’air gêné avant qu’un océan bleu roi et or ne l’engloutisse dans le pays des rêves.

Quelque chose ne tournait vraiment, mais alors vraiment pas rond…

 

L’après-midi cédait sa place au soir lorsque Raiponce ouvrit timidement les yeux. Se rappelant les péripéties de la journée, elle se releva brusquement du canapé et observa les lieux, en quête d’une horloge ou de tout autre objet pouvant lui indiquer l’heure. Alors qu’elle déambulait dans une suite de pièces plus éclatantes les unes que les autres, Alejandro la rattrapa.

_Enfin réveillée, belle aux bois dormant ? l’interpella-t-il, fier de sa blague. Appeler Raiponce la belle aux bois dormant, hilarant non ?

La jeune fille se retourna, ennuyée. Il se figea, embarrassé d’avoir plombé l’atmosphère tout seul. Il aborda un sujet presque aussi lourd que le précédent :

_Il va bientôt être temps de rentrer.

Raiponce le regarda avec des yeux de cocker puis soupira avant d’acquiescer. C’est ainsi que les deux jeunes gens se mirent en chemin, direction…

_Heu, fit Alejandro, tu habites vraiment au dernier étage de l’empire state building ?

_Oui pourquoi ?

Le jeune homme ne répondit pas. La situation le mettait de plus en plus mal à l’aise. Une jeune fille, enfermée depuis sa naissance dans un endroit aussi inaccessible que cette immense tour ? Il savait bien qu’il y avait un problème. Malheureusement, trop d’éléments lui échappaient encore pour qu’il puisse réellement soupçonner… un enlèvement ou quelque chose comme cela. De plus, Raiponce semblait trouver la situation totalement normale. Oui, mais si elle était enfermée dans cet immeuble depuis toute petite… Ah, ses pensées tournaient en rond. Alejandro soupira et accéléra la cadence.

Au pied de l’empire state building, Alejandro observait Raiponce faire les cents pas. Elle cherchait l’entrée… Il faut dire qu’elle s’était échappée de sa prison avec un élévateur ! Elle ne savait pas qu’il existait des escaliers parcourant la tour et desservant chaque étage, y compris le sien. Le jeune homme guida donc la jeune fille jusque devant sa porte. Le trajet – extrêmement long car l’ascenseur était en panne – se fit dans un silence étouffant. Raiponce avait la gorge trop nouée par l’émotion pour dire quoi que ce soit. Elle n’allait surement jamais revoir le laveur de vitre, qui avait été son premier contact avec cette immense et merveilleuse ville… Alejandro, de son côté, se faisait de souci pour son amie. Oui, désormais il la considérait comme une amie, même si il n’allait surement jamais pouvoir la guider à nouveau dans cette ville qu’elle aimait tant… Il sourit amèrement en se remémorant les réactions de la jeune fille face à la télé, à la foule, aux magasins.

Ils étaient arrivés. Il était 18h46, les derniers rayons du soleil atteignaient encore le sommet de l’immeuble et éclairaient les visages des deux amis. Il était temps de se dire au revoir. Ou plutôt, adieu.

Alejandro commença, embarrassé :

_Cela aura été un plaisir de te servir de guide durant cette journée. Je…

Raiponce sauta dans ses bras, ne pouvant plus retenir ses larmes.

_Merciii, c’était le meilleur anniversaire que j’ai jamais euuuuu… sanglota-t-elle.

Le jeune homme lui tapota doucement la tête et la serra affectueusement contre lui. Il la garda dans ses bras le temps qu’elle se calme. Un bruit interrompit ce moment plein d’émotions. Les deux amis se séparèrent l’un de l’autre – au grand regret d’Alejandro – et s’approchèrent silencieusement de la porte. Plus qu’un bruit, les murmures d’une conversation filtraient à travers l’épaisse couche de métal.

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_Bla, bla…on a le matériel pour l’attentat… il reste à fixer le lieu et la date… attendez je note… oui, on a les armes et out ce qu’il faut, combien de fois il faudra le répéter…

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Les deux amis pâlirent. Les mots parlaient d’eux-mêmes, les parents de Raiponce planifiaient un attentat ! La jeune fille se passa une main sur le visage, choquée de cette découverte déroutante. Elle avait toujours su que ses parents avaient un métier risqué, ils voyageaient souvent, utilisaient un matériel de pointe, mais elle n’aurait jamais cru que… Alejandro posa une main réconfortante sur son épaule. Il était d’un calme inquiétant. Raiponce le dévisagea et il chuchota :

_A ton avis, ils ont découvert que tu avais disparu ? Parce que s’ils te cherchent, on n’a pas intérêt à rester là…

Alors qu’il prononçait le dernier mot, la porte s’ouvrit brusquement. Les parents de Raiponce, ou plutôt les terroristes observaient les deux jeunes gens d’un regard cruel.

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