Une étrange aventure de Be et Ing (2)

Chapitre 2

4-Ing

Les héros dans les films se relèvent toujours, même après avoir effectué un nombre incalculable de cascades. Ils sont dans un état plus au moins préoccupant, mais ils se relèvent systématiquement. La réalité est un peu plus… violente. L’explosion nous souffla comme des brindilles et nous effectuâmes plusieurs roulades avant que je réussisse à m’accrocher à un objet non-identifié. Mon acte désespéré eut pour effet de ralentir notre course, mais pas de l’arrêter. Nous retombâmes brusquement sur le sol, enchainant les glissades, roulades, et toutes autres figures artistiques plus tournoyantes les unes que les autres. Je restai étalé par terre, les vêtements déchirés et parsemés de paillettes – parce que oui le sol de ce monde contient des paillettes – et les ailes légèrement roussies. Face contre terre, je remis de l’ordre dans mes pensées. Lorsque je pus faire une phrase cohérente, la première chose qui me vint fut :

-Be ?

Bon d’accord, ce n’était pas une phrase à proprement parler. Devant l’absence de réponse de cette dernière, je me relevai péniblement et secouai la tête pour faire tomber des paillettes. Elles s’agglutinèrent sur mes cils – elles sont gluantes – alors que j’observai les alentours. La première vision que j’eus de la situation fut donc, dans une pluie de paillettes, un ciel rougeâtre apocalyptique, de la fumée noire s’élevant vers le ciel, un paysage en feu, et au milieu de ce chaos, une silhouette menue, les cheveux ondulant dans le vent, Be. Magnifique. Je dus la regarder bizarrement car elle se détourna timidement. Je m’approchai d’elle :

-Tu as compris quelque chose à cette situation ?

-Non, je suis aussi perdue que toi.

Soudain, une seconde explosion retentit juste sous nos pieds. Je bondis, surpris, attrapai précipitamment la main de Be et décampai. Pas question de rester une seconde de plus sur ce champ de mines ! Malheureusement, mes jambes ne s’étaient pas encore remises de mes précédentes cascades. Elles se dérobèrent sous moi et j’entrainai Be dans ma chute.

Ma maladresse nous sauva littéralement la vie.

Une étrange aventure de Be et Ing (1)

Chapitre 1

 

 

1-Ing

Alors, je voudrais vous prévenir, ce n’est pas tous les jours qu’il m’arrive ce genre de choses. D’accord, il m’arrive d’avoir des idées bizarres. Comme la fois où j’ai voulu utiliser un lave-linge pour me téléporter. Mais, je le répète, je ne suis pas tout le temps comme ça !

C’était un après-midi comme les autres, où je me promenais d’un air enjoué (et non pas niais comme l’assure Have) dans un parc. Il faisait beau, les oiseaux chantaient en rythme « Jingle Bells the Christmas of your Death » et les enfants s’amusaient gentiment (ou pas) dans l’espace qui leur était réservé. Bref, un sentiment de plénitude avait envahi mon être tout entier et, tout ange insouciant que j’étais, alors que le vent se levait, j’en profitai pour dégourdir mes ailes.

Mauvaise idée.

Je sais que les touffes de plumes collées à mon dos n’étaient pas grandes et magnifiques comme celles d’Ithuriel. Je sais qu’elles étaient plus décoratives qu’autre chose. Cela n’empêcha pas une brusque bourrasque de vent de m’emporter comme une feuille de papier journal. Je décollai.

Une petite précision. Je suis un ange de 1 mètre 30 qui pèse 15 kilos à tout casser, alors, imaginez à quel point j’ai du mal à contrôler ma trajectoire dans un courant d’air. Pour vous donner une idée plus précise, imaginez que vous devenez tout petit, disons, de la taille d’un stylo. Imaginez qu’ensuite, quelqu’un de malintentionné branche un ventilateur devant vous et l’allume à la puissance maximale. Vous comprenez maintenant ?

Mes ailes d’ange prirent facilement le vent et je m’envolai à toute allure, empruntant une trajectoire peu enviable. Je percutai une clôture, rasai un buisson, pris de la hauteur pour en perdre brusquement, tournai sur moi-même, m’accrochai en vain aux poteaux qui longeaient la Sainte Rivière Médiévale (SRM) et plongeai la tête la première dans son eau sucrée. Oui, l’eau de la SRM est sucrée.

Ah, mais mince, je ne vous ai pas dit ! J’étais actuellement sur l’Interface. C’est une planète-sas, un peu le point d’arrivée de tous les mondes. Vous vous téléportez sans savoir où vous allez ? Boum, vous vous retrouvez sur l’Interface. Vous plongez dans un portail sans réfléchir à votre destination ? Boum, l’Interface ! Cette planète est donc assez particulière : ses lois physiques varient au cours du temps, ce qui la rend peu prévisible. Pour ne pas dire carrément pas prévisible. Elle est assez semblable à la Terre car plusieurs continents (même s’ils jouent au billard) flottent à la surface d’un océan appelé le Laïta. Ces terres sont parsemées de forêts et lézardées de lacs, rivières et fleuves. Le petit plus (ou moins selon que vous soyez suicidaire ou raisonnable) est qu’une multitude d’états-nuages volent dans l’atmosphère poudreuse de l’Interface tels des barbe à papa géantes.

Tout à mes explications, je ne vais jamais finir mon histoire ! Donc, peinant à respirer, les vêtements rendus gluant par le sucre, j’entrepris de remonter la SRM à la nage, à la force de mes (petits) bras. Mais alors que j’entamai mon effort, un oiseau me survola. Vous pensez sûrement : « un oiseau ? Mais pourquoi il nous donne ce genre de détail dont on se moque complètement ? ». Justement par ce que ce détail compte. L’oiseau en question était un Sucriard. Devinez ce que mangent les Sucriards ? Du sucre (bravo, quelle perspicacité). Et j’en étais recouvert de la tête aux pieds. Autrement dit, je faisais la cible idéale.

L’oiseau cria – pardon, sucria – et plongea droit sur moi.

 

2-Be

Bonjour, heu, je, je m’appelle Be. Je, je suis un verbe. Heu, non, pardon, je suis une petite fille de 12 ans qui porte le nom d’un verbe. Je raconte la suite de l’histoire parce que… hé bien parce que Ing est trop honteux pour poursuivre.

Le Sucriard piqua vers Ing qui, surprit, arrêta un moment de nager… et coula. Oui, il tomba comme une pierre au fond de la rivière. L’oiseau, étonné par la soudaine et originale quoiqu’ involontaire disparition de sa proie, lâcha un (su)crit de dépit et s’éloigna furieusement.

Vous vous demandez – enfin peut-être – si j’étais présente au moment de l’attaque du Sucriard. Oui, j’étais sur place et je m’étais cachée derrière un énorme sucre d’orge pour observer Ing. Enfin, non, j’avais juste entendu un bruit, hein, c’était par curiosité que je m’étais approchée, pas parce que c’était Ing !

Donc, hum, j’attendis un moment avant de m’approcher prudemment de la berge. Des bulles d’air remontaient à l’endroit où Ing avait coulé et quelque chose me disait qu’il n’allait pas réussir à remonter tout seul. Je cueillis une tige de réglisse pour la plonger dans l’eau épaisse de la SRM. L’ange utilisa la perche improvisée pour se retirer de la rivière sournoise et regagner l’herbe tendre, en sécurité. Il toussa énormément et j’eus peur qu’il ne s’étouffe mais il se reprit vite. Je l’observais en silence et lorsqu’il s’en aperçut, il désigna ses ailes :

-J’ai volé !

Je lui souris et il se détourna pour essorer ses cheveux, son tee-shirt et… je cachai mes yeux derrière mes mains. Bon sang, Ing, un peu de pudeur !

Quand il eut fini de se sécher (j’avais à peine jeté un coup d’œil, à peine), il me raconta ses exploits en vol supersonique et autres qualités super cool qu’acquéraient naturellement les anges. Je l’écoutais d’une oreille attentive. Nous nous levâmes et j’époussetai ma robe. Ing s’approcha de moi, m’offrit son bras. La suite, j’avoue que je n’ai pas vraiment tout compris.

 

3-Ing

Be à mon bras, la tige de réglisse dans l’autre, j’avais l’air carrément cool ! Mais bien sûr, comme les bons moments ne durent jamais, un énorme objet non-identifié s’écrasa à quelques mètres de nous. L’explosion souffla les sucre-d’orges, la rivière s’évapora d’un coup. Les bâtons de réglisse brûlèrent et l’herbe se consuma. Je protégeai Be comme je pus en faisant rempart avec mon corps. Nous nous étalions violemment par terre et une odeur de soufre emplit l’air.

 

À suivre…

Une folle aventure de Raiponce, la princesse la plus malchanceuse de l’époque contemporaine 2/2

Il regarda sa camarade s’extasier devant les panneaux publicitaires qui clignotaient, inondant son visage de couleurs plus lumineuses les unes que les autres. Elle était jolie, très jolie même. Elle ne passait pas inaperçue dans la rue. Les garçons se retournaient sur son passage, les filles la dévisageaient avec envie…

Il se surprit à s’attarder sur ses yeux. Ils étaient d’un bleu tellement profond… Raiponce, sentant le poids de son regard, tourna la tête dans sa direction. Alejandro rougit fortement avant de se détourner. Cette visite prenait une tournure trop étrange ! Soudain, il eut une idée. Il jeta un coup d’œil à sa montre. L’après-midi venait de commencer. « Je connais un endroit que tu apprécieras sûrement beaucoup ! » dit-il à Raiponce, qui sauta de joie.

Ils entrèrent dans un grand immeuble. De la musique filtrait à travers les nombreuses fenêtres et les murs tremblaient légèrement au son des basses. À l’intérieur, des personnes dansaient, buvaient, fumaient.

013

Raiponce écarquilla les yeux : mais quelle était cette ambiance ? Elle écouta attentivement cette musique électronique totalement nouvelle pour elle et se mit à taper du pied en rythme. Alejandro la prit par les mains et l’entraina sur la piste de danse.

Ils restèrent un long moment dans la foule puis finirent par s’installer au bar. Alejandro commanda une boisson peu alcoolisée pour Raiponce qui n’avait vraisemblablement jamais pris d’alcool de sa vie. Malgré ces précautions, à la première gorgée, elle fut prise de vertige. Pendant qu’Alejandro parlait avec le barman, elle finit son verre d’un trait. Elle essaya de se lever mais tituba et failli tomber. Un inconnu la rattrapa in extremis. Voyant à quelle beauté il avait à faire, il lui proposa gentiment une cigarette. Raiponce, curieuse, l’accepta. Alejandro, se rendant compte que sa camarade n’était plus à ses côtés, la retrouva juste quand elle mettait la cigarette dans sa bouche. Enfin, quand elle essayait de la mâcher. Alejandro amena Raiponce dehors en fusillant du regard l’inconnu mort de rire (il avait tout de même assisté à une scène peu ordinaire).

Le jeune homme était bien embêté. Il soutenait une jeune fille ivre, très jolie, alors qu’il était dans sa tenue de travail. L’étrange couple se faisait remarquer plus que nécessaire. Il réfléchit. Il lui restait bien trois heures avant de ramener Raiponce chez elle, mais avec la jeune fille dans cet état, il ne pourrait physiquement pas remplir cette tâche. Gravir un nombre effroyable d’étage avec un poids mort ne le tentait pas plus que cela. Il ne pouvait pas non plus la laisser comme si de rien n’était dans une ville, un monde dont elle ne connaissait rien. Oui, il avait envisagé de l’abandonner lâchement. Mais il n’avait rien demandé, lui.

Alejandro mit du temps à trouver une solution évidente. Il lui suffisait d’amener Raiponce chez lui. Elle serait dans un endroit à la fois sécurisé et reposant pour se remettre de… on ne peut pas appeler cela une cuite lorsqu’il ne s’agit que d’un verre de la boisson la moins alcoolisée au monde.

Le jeune homme appela un taxi. Raiponce ne s’endormit durant le trajet. Alejandro, tendu, essaya de ne pas trop bouger lorsque la tête de la jeune fille se posa sur son épaule. Il resta immobile quand elle s’appuya de tout son poids sur lui. Il fut tout de même soulagé que le chauffeur s’arrête et lui demande l’addition. Raiponce remuait beaucoup trop dans son sommeil et avait petit à petit pris de plus en plus d’espace sur la banquette arrière du taxi pourtant assez grande pour accueillir trois à quatre personnes…

Raiponce ouvrit les yeux. Et se releva à une vitesse frôlant l’inhumanité. Elle était entourée de… non, elle se trouvait dans…

_Hey ! Enfin réveillée ?

014

Tournant la tête en direction de la voix, elle reconnut Alejandro. Il portait toujours les mêmes vêtements, mais il avait enfin l’air d’être à sa place. Elle sut pourquoi. Un carrelage doré s’étendait sous le canapé de marque bleu roi qu’occupait la jeune fille. Il scintillait tellement qu’il faisait mal aux yeux. Le tissu du lit – parce qu’un canapé de cette taille, ça s’appelle un lit ! – moelleux à souhait, donnait l’impression que l’on pouvait se perdre à tout jamais dans la douceur de son toucher. Alejandro, avec son sourire éclatant, sa beauté indéniable et sa posture droite et distinguée, irradiait la… richesse. Mais quelque chose clochait. Raiponce allait mettre le doigt dessus lorsque le monde vacilla. Elle eut juste le temps de voir Alejandro se précipiter vers elle, l’air gêné avant qu’un océan bleu roi et or ne l’engloutisse dans le pays des rêves.

Quelque chose ne tournait vraiment, mais alors vraiment pas rond…

 

L’après-midi cédait sa place au soir lorsque Raiponce ouvrit timidement les yeux. Se rappelant les péripéties de la journée, elle se releva brusquement du canapé et observa les lieux, en quête d’une horloge ou de tout autre objet pouvant lui indiquer l’heure. Alors qu’elle déambulait dans une suite de pièces plus éclatantes les unes que les autres, Alejandro la rattrapa.

_Enfin réveillée, belle aux bois dormant ? l’interpella-t-il, fier de sa blague. Appeler Raiponce la belle aux bois dormant, hilarant non ?

La jeune fille se retourna, ennuyée. Il se figea, embarrassé d’avoir plombé l’atmosphère tout seul. Il aborda un sujet presque aussi lourd que le précédent :

_Il va bientôt être temps de rentrer.

Raiponce le regarda avec des yeux de cocker puis soupira avant d’acquiescer. C’est ainsi que les deux jeunes gens se mirent en chemin, direction…

_Heu, fit Alejandro, tu habites vraiment au dernier étage de l’empire state building ?

_Oui pourquoi ?

Le jeune homme ne répondit pas. La situation le mettait de plus en plus mal à l’aise. Une jeune fille, enfermée depuis sa naissance dans un endroit aussi inaccessible que cette immense tour ? Il savait bien qu’il y avait un problème. Malheureusement, trop d’éléments lui échappaient encore pour qu’il puisse réellement soupçonner… un enlèvement ou quelque chose comme cela. De plus, Raiponce semblait trouver la situation totalement normale. Oui, mais si elle était enfermée dans cet immeuble depuis toute petite… Ah, ses pensées tournaient en rond. Alejandro soupira et accéléra la cadence.

Au pied de l’empire state building, Alejandro observait Raiponce faire les cents pas. Elle cherchait l’entrée… Il faut dire qu’elle s’était échappée de sa prison avec un élévateur ! Elle ne savait pas qu’il existait des escaliers parcourant la tour et desservant chaque étage, y compris le sien. Le jeune homme guida donc la jeune fille jusque devant sa porte. Le trajet – extrêmement long car l’ascenseur était en panne – se fit dans un silence étouffant. Raiponce avait la gorge trop nouée par l’émotion pour dire quoi que ce soit. Elle n’allait surement jamais revoir le laveur de vitre, qui avait été son premier contact avec cette immense et merveilleuse ville… Alejandro, de son côté, se faisait de souci pour son amie. Oui, désormais il la considérait comme une amie, même si il n’allait surement jamais pouvoir la guider à nouveau dans cette ville qu’elle aimait tant… Il sourit amèrement en se remémorant les réactions de la jeune fille face à la télé, à la foule, aux magasins.

Ils étaient arrivés. Il était 18h46, les derniers rayons du soleil atteignaient encore le sommet de l’immeuble et éclairaient les visages des deux amis. Il était temps de se dire au revoir. Ou plutôt, adieu.

Alejandro commença, embarrassé :

_Cela aura été un plaisir de te servir de guide durant cette journée. Je…

Raiponce sauta dans ses bras, ne pouvant plus retenir ses larmes.

_Merciii, c’était le meilleur anniversaire que j’ai jamais euuuuu… sanglota-t-elle.

Le jeune homme lui tapota doucement la tête et la serra affectueusement contre lui. Il la garda dans ses bras le temps qu’elle se calme. Un bruit interrompit ce moment plein d’émotions. Les deux amis se séparèrent l’un de l’autre – au grand regret d’Alejandro – et s’approchèrent silencieusement de la porte. Plus qu’un bruit, les murmures d’une conversation filtraient à travers l’épaisse couche de métal.

015

_Bla, bla…on a le matériel pour l’attentat… il reste à fixer le lieu et la date… attendez je note… oui, on a les armes et out ce qu’il faut, combien de fois il faudra le répéter…

016

Les deux amis pâlirent. Les mots parlaient d’eux-mêmes, les parents de Raiponce planifiaient un attentat ! La jeune fille se passa une main sur le visage, choquée de cette découverte déroutante. Elle avait toujours su que ses parents avaient un métier risqué, ils voyageaient souvent, utilisaient un matériel de pointe, mais elle n’aurait jamais cru que… Alejandro posa une main réconfortante sur son épaule. Il était d’un calme inquiétant. Raiponce le dévisagea et il chuchota :

_A ton avis, ils ont découvert que tu avais disparu ? Parce que s’ils te cherchent, on n’a pas intérêt à rester là…

Alors qu’il prononçait le dernier mot, la porte s’ouvrit brusquement. Les parents de Raiponce, ou plutôt les terroristes observaient les deux jeunes gens d’un regard cruel.

Une folle aventure de Raiponce, la princesse la plus malchanceuse de l’époque contemporaine 1/2

Il était une fois 001une très belle jeune fille enfermée au dernier étage de la plus haute tour des États-Unis : l’empire state building. 002Ses parents l’appelaient Raiponce car elle avait des rajouts qui lui faisaient des cheveux très très très très très longs, comme la princesse du conte. Elle passait ses journées à tourner en rond dans son appartement, et cet emprisonnement lui avait forgé un caractère bien trempé. Mais si elle avait les habitudes d’une rebelle, elle avait une âme de jeune fille rêveuse et espérait un jour pouvoir sortir de sa tour pour explorer le monde extérieur. Ses illusions s’étaient vite envolées, personne ne viendrait l’arracher à sa vie morne et ennuyante. Alors, en secret, elle imaginait mille et une façons de s’échapper de sa prison. Ses parents étaient toujours très occupés et ne souciait guère d’elle. Ils partaient tôt le matin et rentraient tard le soir. Raiponce ne les connaissait pas vraiment, bien qu’ils l’aient élevée, mais profitait de leur absence pour mettre en pratique ses plans. Malheureusement, elle n’avait jamais réussi ne serait-ce qu’à sortir un petit doigt : des détecteurs de mouvement à chaque fenêtre empêchaient toute évasion aérienne, la porte restait verrouillée toute la journée et les pièces étaient totalement vide d’objets compromettants. Raiponce ne pouvait tout simplement pas sortir de cet appartement. 003Mais elle s’était promise une chose : le jour de ses 18 ans, elle trouverait un moyen de s’échapper et irait découvrir le monde ! Aujourd’hui, était donc un jour important : celui de sa liberté. Et pourtant… rien. Son anniversaire sonnait sa majorité, mais pas la fin de son calvaire.

La jeune fille guettait pourtant par la fenêtre du salon une quelconque aide, un signe qui lui permettrait de réaliser son rêve. Non mais quoi, c’est pas trop demander un hélicoptère ou un incendie le jour de ses 18 ans, mince !004

 

Raiponce fulminait lorsqu’elle aperçut… un laveur de vitre. Le jeune homme peinait avec son costume sous le soleil brûlant de l’été. Il n’était pas très habile pour nettoyer les vitres d’ailleurs, sa serpillère balayait inefficacement les surfaces de verre, l’eau s’évaporant à cause de la chaleur. Raiponce l’observa faire son manège un moment, puis elle se décida à passer prudemment sa tête dehors (les détecteurs de mouvement étaient sensibles tout de même), un espoir naissant dans son esprit. L’inconnu utilisait une plateforme d’élévation pour accéder aux différents étages de la tour, ce qui signifiait qu’il pouvait monter… et descendre. Un sourire éclaira le beau visage de la jeune fille tandis qu’un plan prenait forme.

Elle l’appela : « Hé ho ! Le laveur de vitres ! ».

005

Le jeune homme, surpris, leva vivement la tête et ouvrit de grands yeux étonnés lorsqu’il vit la belle jeune fille qui le saluait depuis sa fenêtre. Il recula, se prit les pieds dans ses chiffons et bascula par-dessus la rambarde de sécurité de sa plateforme. Il tomba.006

Pour le sauver, Raiponce lança ses cheveux, et le jeune homme s’y accrocha in extremis. Alors qu’il assurait sa prise, l’alarme des détecteurs de mouvement se déclencha, activant la fermeture de la fenêtre. Voyant qu’elle n’avait pas beaucoup – pour ne pas dire pas du tout – de temps, Raiponce tira violemment ses cheveux et le jeune homme remonta brusquement. Mais il n’avait pas encore atteint la fenêtre, dont la vitre se refermait toujours !

La jeune fille tira sur sa chevelure comme sur une corde que l’on ramène vers soi. Le laveur de vitre passa l’ouverture juste avant la fermeture totale de la fenêtre. Les deux personnes s’effondrèrent à terre, essoufflées.

Le jeune homme se releva en premier et aida sa sauveuse à se remettre debout. Ils se regardèrent, mal à l’aise. L’une ne savait pas comment engager une conversation et l’autre était très gêné de ce qui venait de se passer. Raiponce se décida : « Je peux savoir ton nom ? »

Le jeune homme, qui ne s’attendait absolument pas à une question pareille, répondit tout de même : « Ah, je m’appelle Alejandro Príncipe. » Puis il ajouta : « Merci de m’avoir sauver d’une chute mortelle. »

007

Un silence s’installa. Raiponce détailla le laveur de vitre : il était jeune, la vingtaine peut-être, et avait une belle peau bronzée. Ses yeux d’un vert profond contrastaient avec sa chevelure foncée et toute ébouriffée. Il était indéniablement beau. Le seul hic venait de son costume : il n’allait pas avec son attitude. En effet, il se tenait droit, les mains derrière le dos, la tête légèrement penchée sur le côté. Il était évident qu’il venait d’un milieu social aisé. Alors pourquoi portait-il un tel attirail ? Raiponce ne s’attarda pas plus longtemps sur ce détail et réfléchit à un plan. Le laveur de vitre était dans la maison et ne pouvait pas sortir car la porte et les fenêtres étaient verrouillées. Mais la jeune fille, en espionnant ses parents, avait découvert un décodeur d’empreintes digitales caché dans l’encoche d’un mur. Il ouvrait la porte pour tout le monde, sauf pour elle. Il suffisait donc qu’Alejandro place sa main sur le décodeur pour que la porte se déverrouille, et ils pourraient passer tous les deux ! Raiponce eu un rire machiavélique. Sa fuite n’était plus impossible.

Le jeune homme, voyant sa sauveuse ricaner toute seule, regarda autour de lui en quête d’une sortie. Il remarqua les fenêtres fermées, les détecteurs de mouvement, le mobilier curieusement sobre ainsi que les portes sécurisées. Etonné, il n’osa toutefois pas poser de questions sur l’étrange appartement et préféra attendre que la jeune fille lui propose de partir.

Raiponce venait de finir sa réflexion et allait appliquer son plan. Elle amena Alejandro jusqu’à la porte, puis pendant qu’il se débattait avec la poignée (la porte ne s’ouvre de l’intérieur que grâce au décodeur), elle prétexta un oubli de clé pour s’éclipser dans sa chambre. Une fois hors de la vue du jeune homme, elle fouilla sous son lit et sortit… un traceur GPS ! Ses parents avaient des métiers certes étranges mais très utiles pour toute opération d’évasion ou d’espionnage. La jeune fille s’attarda sur son bureau pour retrouver un petit écran connecté au traceur.

Elle revint vers Alejandro qui avait abandonné l’idée d’ouvrir la porte en utilisant la poignée et qui s’appuyait désormais dessus de tout son poids. Elle toussota et le jeune homme rougit d’embarras en s’écartant. Raiponce appuya sur une partie du mur, qui s’effaça pour laisser apparaître le décodeur. Alejandro manqua de s’étouffer lorsqu’elle lui demanda de poser sa main sur l’étrange appareil. Il s’exécuta néanmoins et la porte s’ouvrit dans un chuintement métallique. Raiponce tapota le dos d’Alejandro lorsqu’il passa dans le couloir et lui dit au revoir. Ce que n’avait pas remarqué le jeune homme était le petit traceur GPS collé astucieusement sur son dos.

008

Mais alors que Raiponce s’apprêtait à sortir elle aussi, la porte se referma juste sous son nez.

Elle dû vivement reculer pour ne pas se faire coincer les doigts. La jeune fille tapa rageusement du pied par terre. Il fallait qu’elle trouve un autre moyen de s’échapper mais toutes les issues étaient verrouillées depuis le passage d’Alejandro ! Elle avisa la plateforme d’élévation laissée négligemment par son utilisateur. Seule la fenêtre faisait obstacle, mais il suffisait qu’elle emprunte l’engin pour descendre tranquillement le long de la tour.

Raiponce attendit patiemment dans sa chambre, faisant des allers retours entre son lit et sa commode pour que les détecteurs de mouvement intègrent qu’elle était dans la pièce. Puis elle s’approcha doucement de la fenêtre du salon qui donnait sur la plateforme et l’ouvrit. En regardant en bas, elle eut le vertige. Cette tour était vraiment très haute ! Raiponce recula et s’élança. Elle courut jusqu’à la fenêtre et se jeta littéralement dans le vide.

Les détecteurs de mouvement n’eurent pas le temps d’enclencher la fermeture de la vitre que la jeune fille tombait déjà, enfin libre.

Raiponce se réceptionna gauchement sur la plateforme, manqua de passer par-dessus la rambarde de sécurité, repris son équilibre et souffla. Lorsque son cœur fut calmé, elle actionna un levier qui fit descendre l’engin (par à-coups car elle ne maîtrisait pas vraiment le mécanisme). 009

Elle arriva enfin au pied de l’immense tour sous les regards intrigués des passants qui dévisageaient cette jeune fille aux cheveux anormalement longs sortie de nulle part.

Elle regarda son écran et marcha vers la position du petit point rouge clignotant. En levant la tête, elle eut le tournis : toutes ces personnes dans une seule rue, cela frôlait l’inimaginable ! Raiponce rassembla ses cheveux pour ne pas que les gens marchent dessus par inadvertance. Le point se déplaçait vite et la jeune fille dû accélérer le pas. Mais entre les passages piétons noirs de monde, les feux rouges interminables et les vélos téméraires, il était difficile d’avancer à bonne allure. Finalement, Raiponce l’aperçut devant la vitrine d’un magasin : « Hého ! Alejandrooo ! »010

Le jeune homme se retourna, surpris. Voyant la jeune fille qui approchait, il lui sourit maladroitement. Raiponce alla droit au but : « J’ai besoin de toi pour visiter la ville en une journée !

_Heu, pourquoi…

_En fait mes parents ne veulent pas que je sorte, le coupa-t-elle, mais comme c’est mon anniversaire aujourd’hui, et que j’ai 18 ans, je le fais quand même. J’ai besoin que tu me fasses rapidement visiter la ville pour que rentre avant leur retour. »

Devant les yeux de cocker de la jeune fille, Alejandro ne put dire non et les deux jeunes gens commencèrent la visite.

Raiponce s’affola devant la télévision et les écrans tactiles : certes ils ressemblaient à son écran connecté au traceur, mais les images défilant à une vitesse ahurissantes l’impressionnaient. Elle passa des heures à observer ces petites boîtes à images dans les innombrables vitrines qui s’offraient à elle.011 Alejandro essaya bien de lui inculquer quelques notions historiques mais la jeune fille était sous le charme des différents vêtements que portaient les passants : autant de couleurs, de styles, de tailles aussi ! Elle demanda à Alejandro pourquoi les personnes étaient de couleurs différentes, certaines ayant la peau très foncée, d’autres l’ayant au contraire très claire.012

Le jeune homme, au fil de la visite, se rendit compte de l’ignorance totale dans laquelle vivait la jeune fille. Elle avait dit que ses parents refusaient qu’elle sorte. Mais qui étaient-ils véritablement ? Alejandro soupçonnait d’avoir découvert une situation extrêmement grave et le mystère qui entourait Raiponce ne l’aiderait pas à comprendre.

À suivre…